Le référé‑provision engagé par le titulaire du marché est un mode de contestation efficace et suffisant du décompte général
Le CCAG Travaux impose que tout différend entre le titulaire d’un marché public de travaux et le maître d’ouvrage, relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché, fasse l’objet d’une tentative de règlement amiable avant toute saisine du juge administratif (article 50 du CCAG travaux).
En pratique, en cas de contestation du décompte général qui lui est retourné par l’administration, le titulaire du marché doit adresser un mémoire en réclamation motivé et chiffré au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d’ouvrage, dans le délai de 30 jours à compter de la notification du décompte général (article 50 du CCAG travaux).
Le représentant du maître d’ouvrage, après avis du maître d’œuvre, dispose alors d’un délai de 30 jours, à compter de la réception de cette réclamation, pour accepter ou rejeter la réclamation du titulaire du marché.
En cas de rejet de sa réclamation par le maître d’ouvrage, l’entreprise dispose ensuite d’un délai de 6 mois pour contester la décision de rejet en saisissant le tribunal administratif compétent. Au‑delà de ce délai, l’entreprise est réputée avoir accepté celle‑ci, toute réclamation devenant alors irrecevable :
« 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent.
50.3.3. Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable. » (CCAG travaux 2009 modifié). Hélians avocat expropriation défense des expropriés
►A défaut d'avoir contesté en justice le décompte général dans les 6 mois, le titulaire du marché est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable
L’entreprise doit donc impérativement veiller au respect de ce délai de six mois pour saisir le juge administratif, sous peine de voir sa réclamation jugée irrecevable.
Très souvent en matière de litige financier, l’entrepreneur saisit le juge du référé‑provision pour réclamer le paiement du solde de son marché car cette procédure est plus rapide qu’une procédure au fond.
Est‑ce qu’une telle procédure de référé lui permet de préserver ses chances de contester en justice dans les délais le décompte général du maître d’ouvrage ?
Dans son arrêt du 27 janvier 2017 (req n°396404), le Conseil d’Etat répond favorablement et facilite l’action du titulaire du marché dans un arrêt qui concerne un marché public de travaux passé en Polynésie Française.
La solution du Conseil d’Etat vise en effet le CCAG concernant les marchés publics passés au nom du territoire de la Polynésie française qui, sur cette question, est la transposition du CCAG travaux, dans sa rédaction issue du décret n°76‑87 du 21 janvier 1976.
En l’espèce, un établissement d'aménagement et de développement polynésien avait attribué à une entreprise un marché public de travaux de pose de revêtements de sols.
A la fin des travaux, l’entreprise avait refusé de signer le décompte général tel que retourné par le maître d’ouvrage et avait réclamé le paiement d’une somme supplémentaire, puis, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Polynésie afin d'obtenir le versement d'une provision correspondant au solde qu’elle réclamait.
Deux ans plus tard, l’entreprise avait saisi le juge du fond d’une requête tendant à faire fixer le montant du solde du marché et à condamner au fond le maître d’ouvrage à payer le montant définitif du solde du marché. avocat expropriation
Le tribunal administratif de la Polynésie française a jugé cette requête au fond recevable et fixé le montant solde du marché de l’entreprise requérante en condamnant le maître d’ouvrage (TA Polynésie française, 15 juillet 2014, req. n° 1300557).
Par un arrêt du 26 octobre 2015, la cour administrative d’appel de Paris a jugé que la saisine du juge du référé‑provision n’avait pas interrompu le délai de six mois qui lui était imparti pour saisir le juge du contrat et, qu’à ce titre, sa requête au fond introduite en octobre 2013 était tardive donc irrecevable (CAA de Paris, 26 octobre 2015, req. 14PA04342). expropriation avocat
► le titulaire du marché peut obtenir le paiement du solde de son marché par une procédure de référé provision sans être obligé aussi d'engager une procédure au fond
Sur pourvoi en cassation de l’entreprise, le Conseil d’Etat censure l’interprétation restrictive retenue par la cour administrative d’appel et juge que la saisine du juge des référés provisions vaut bien « réclamation portée devant le tribunal administratif compétent » au sens du CCAG (Conseil d’Etat, 27 janvier 2017, req. n°396404) : avocat
« 3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 541‑1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ; avocat
4. Considérant qu'il résulte de ces dernières dispositions que le titulaire du marché peut obtenir du juge des référés qu'il ordonne au pouvoir adjudicateur le versement d'une indemnité provisionnelle et qu'il n'est pas tenu de saisir, par ailleurs, le juge du contrat d'une demande au fond ; que, dans ces conditions, la saisine du juge des référés sur le fondement des articles R. 541‑1 et suivants du code de justice administrative doit être regardée comme la saisine du tribunal administratif compétent au sens de l'article 7.2.3. du CCAG Travaux.». marchés publics
Ainsi, le Conseil d’Etat considère que l’entreprise peut valablement contester le décompte général par une procédure de référé‑provision et obtenir du juge des référés qu'il ordonne au pouvoir adjudicateur le versement d'une indemnité provisionnelle. Il rappelle même que l’entreprise n'est pas tenue de saisir, en plus, le juge du contrat d'une demande au fond pour faire fixer définitivement le montant du solde du marché. expropriation
Pour obtenir le paiement du solde de leur marché, les entreprises peuvent donc efficacement user de la procédure du référé provision.